Probablement parce que nous avons tous eu entre les mains son portrait. C'était ça :
Mais la plupart d'entre nous est incapable de citer une de ses oeuvres, ou bien l'époque de sa vie.
Allez un bref rappel : né en 1798, mort en 1863 à Paris. Considéré comme le père du romantisme en peinture, il est le principal commanditaire de l'état dès ses quarante ans.
Ses oeuvres les plus connnues :
la mort de Sardanapale :
et : femmes d'Alger dans leur appartement :
et bien sûr la Liberté conduisant le peuple, figurant sur le billet de cent francs ci dessus.
Eugène Delacroix était issu d’une famille de six personnes : les parents et quatre enfants : trois garçons et une fille.... Officiellement...
Qu’est-ce à dire ? Dans les salons du « Tout-Paris » de l’époque courait le bruit que Charles Delacroix n’était pas le géniteur du peintre, dont le père naturel serait « le diable boiteux » : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord... Cette rumeur a traversé le temps... Elle est parvenue jusqu’à nous...
Bien qu' Emmanuel De Waresquiel, historien spécialiste de la Restauration et mon quasi voisin à 20 kms de distance la réfute, je me permets de ne pas être en accord avec lui.
Il suffit de comparer les traits de Tallayrand et ceux d'Eugène :
mêmes sourcils,
même nez,
même distance nez - bouche,
même menton,
même carnation ...
Poursuivons ...
Charles Delacroix, père officiel d’Eugène, député à la Convention, révolutionnaire régicide, ministre des relations extérieures sous le Directoire, ralliera l’Empire dont il deviendra un des préfets. Il mourra en 1805. Eugène avait 7 ans...
Sa mère Marie-Victoire Oeben, fille du célèbre ébéniste de Louis XV belle-fille du non moins célèbre ébéniste de Marie-Antoinette et de Louis XVI : Riesener, avec qui sa mère se remaria, est issue de « l’aristocratie du faubourg Saint-Antoine » frottée de noblesse par ses commanditaires...
Marie-Victoire a 38 ans. Elle est encore jolie et Talleyrand la connaît bien...
En collant au plus près de la réalité, on s’aperçoit de faits troublants.
D’abord, le père supposée d’Eugène est atteint d’un sarcocèle, une sorte de tumeur des testicules qui prive le ministre de toute virilité ! D’autant plus que cette horreur pèse 32 livres... Il en sera opéré le 14 septembre 1797, soit sept mois et treize jours avant la naissance de son « fils », le futur peintre. Le compte-rendu de cette intervention chirurgicale a été relaté par le médecin. A partir de ce constat clinique, il ne reste que deux éventualités : ou notre génie pictural n’est pas le fils biologique du ministre ou il est né prématuré. Il n’existe aucune autre possibilité.
Dans les faits, il y a peu de chances qu'il ait été un grand prématuré tout bêtement parce qu'il en serait mort à la naissance ou en graves difficultés de santé durant sa prime enfance. or, il n'en est rien.
Wiki nous dit que nous possédons des portraits de son « père » officiel, de ses frères et de sa sœur... Ceux du père supposé sont indisponibles sur la toile, mais nous avons celui du "frère" ainé Charles Henri : aucune ressemblance !
Maintenant, intéressons-nous au « Journal de Delacroix », qui nous est parvenu presque complet (il manque l’année 1848 notamment). Il ne parle pratiquement jamais du « Diable boiteux », alors que son « père officiel » est cité bien souvent. Il ne fait donc aucun doute qu’Eugène voyait en Charles Delacroix son père. Ce qui signifie simplement qu’il ignorait la vérité !
Comment s’en étonner ? Marie-Victoire s’est beaucoup rapprochée de son mari après la naissance d’Eugène car celui-ci s’est comporté en gentleman. Il n’a pas divorcé, a accepté l’enfant comme le sien, a pardonné sa « faute » à son épouse... Prise de remords, elle a éloigné l’enfant de son père biologique... Elle a tout fait pour que Talleyrand ne puisse s’approcher d’Eugène... Quand son mari meurt en 1805, l’enfant a 7 ans...
Il est trop tard pour que Marie-Victoire change d’attitude, trop tard pour que Talleyrand s’immisce dans l’éducation de son fils : il s’est marié et le scandale aurait été énorme, surtout vis-à-vis de l’Empereur Napoléon Ier qui supportait difficilement Catherine, l’épouse de Talleyrand.
Talleyrand s'est bien sûr préoccupé de son fils, mais a utilisé l'entremise d'Adolphe Thiers dont il avait lancé la carrière parce qu'il avait remarqué son arrivisme, son intelligence, son manque de scrupules, sa faculté d’adaptation.
C’est Thiers qui lance Delacroix, c’est Thiers qui écrit en faveur de l’artiste, c’est encore lui qui lui fait accorder des commandes officielles : peintures isolées comme grands cycles picturaux (Chambre des députés, Sénat) c’est toujours lui qui fait acheter par l’état des œuvres d’Eugène qui faisaient hurler l’Académie !
En poussant Eugène en pleine lumière, Thiers faisait sa cour à Talleyrand, rien de moins...
Eugène présente sa toute première toile au Salon de 1822...Il est âgé de 24 ans seulement. Il s'agit de "La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers".
Si le sujet du tableau est connu, ses dimensions sont gigantesques pour un sujet littéraire (189x246cms), quant à l’audace de la facture, elle surprend tous les critiques ... Ils « lynchent » l’œuvre...Qui sera achetée par l’état...Grâce à Thiers, naturellement.
Voici une citation de Thiers, alors journaliste et critique d'art , dans le "Constitutionnel" du 11 mai :
" il jette ses figures, les groupe, les plie avec la hardiesse de Michel-Ange et la fécondité de Rubens. Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l’aspect de ce tableau ; j’y retrouve cette puissance sauvage, ardente mais naturelle, qui cède sans effort à son propre entraînement...je ne crois pas m’y tromper, Monsieur de Lacroix a reçu le génie... » A moi Michel-Ange et Rubens, adouber le jeune peintre de génie issu de qui vous savez... Rien que cela..."
Je rapelle qu'officiellement, Eugène est le fils d’un conventionnel régicide ayant rallié l’Empire ! De ce fait, imaginer qu’il ait pu être exposé au Salon dans la France réactionnaire du début de la Restauration, c’est .. puisque nous sommes dans la peinture .. surréaliste ...
On dit souvent qu’Eugène et son géniteur ne se croisèrent quasiment jamais dans les salons parisiens... C’est faux : ils se côtoyaient chez le peintre Gérard, rue Saint-Germain des prés . Il existe une lithographie de Louis Moreaux où figure le « diable boiteux » dans le salon du baron Gérard au côté de Stendhal, Vigny, Humboldt, Cuvier, Mérimée et Rossini, donc, le gratin de l'époque ..
Ma source principale pour ces infos : Wikipédia et Jacques Tcharny
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